CÉRÈS (religion romaine)

CÉRÈS (religion romaine)
CÉRÈS (religion romaine)

CÉRÈS, religion romaine

L’assimilation du panthéon romain au panthéon grec a fait confondre la Cérès latine avec Déméter et prêter à la première — personnalité divine sans histoire et sans visage — aventures et traits humains de la seconde. Pourtant, en dépit de cette hellénisation précoce et poussée, la déesse a conservé dans son culte ses caractères originaux italiques. Que lui soit attaché un flamine atteste son ancienneté et son caractère autochtone. Le nom de Cérès s’apparente aux verbes creare et crescere , créer et croître: peut-être, comme pour Vénus, un ancien substantif neutre désignant une abstraction (la croissance), passé au féminin lors de sa personnification et divinisation, peut-être un ancien adjectif épithète de Tellus, la terre mère, dont Cérès se serait peu à peu détachée. Déesse de la croissance, elle veille au déroulement du cycle végétal mais aussi sur la famille humaine (d’après une loi attribuée à Romulus, le mari qui répudierait sa femme sans motif valable — c’est-à-dire autre qu’avortement provoqué, adultère ou vol de clés de cave — verrait ses biens confisqués, une moitié versée à sa femme, une moitié à Cérès); déesse de la terre, elle n’est pas sans rapport avec le monde des morts: la porte des enfers (mundus ) qu’on ouvre trois fois l’an pour laisser venir sur terre l’âme des morts se nomme mundus de Cérès; deux mots synonymes et signifiant «fou», laruatus et cerritus veulent dire exactement «possédé par les fantômes», «par Cérès»; la mort survenue dans une famille exige le sacrifice à Cérès d’une truie (dite praesentanea car le sacrifice se fait en présence du mort), une faute dans l’accomplissement des rites funéraires exige le sacrifice de la truie dite praecidanea (immolée préalablement). Seule ou associée à Tellus, Cérès tient souvent la première place dans le cycle des fêtes consacrées à la végétation ou aux travaux du sol: lectisterne de Tellus et Cérès le 13 décembre (fin des semailles); fête mobile des Sementiuae vers la fin janvier (protection contre le froid des grains déjà germés); Cerialia du 19 avril (placée quatre jours après les Fordicidia de Tellus; elle comporte des rites de fécondité: sacrifice d’une truie, jet de noix, lâcher dans le cirque de renards auxquels on a attaché une torche); sacrifice à Cérès dans le culte privé lors de la célébration officielle des Ambarualia (fête mobile de mai, elle correspond à un rite propitiatoire de la maturation des épis: elle est marquée par une ronde de la victime promenée trois fois autour des futures récoltes); fêtes du culte privé à la récolte (qui comporte le sacrifice d’une truie praecidanea avant la récolte, puis offrande à Cérès des prémices). D’après la tradition annalistique (à ce titre suspecte), le dictateur Postumius aurait en \CÉRÈS (religion romaine) 496, à la suite d’une disette de blé, promis à Cérès, associée en la circonstance à Liber et à Libera, un temple effectivement inauguré en \CÉRÈS (religion romaine) 493 par le consul Cassius. Dès la même année, d’après Denys d’Halicarnasse, une loi consacrerait à Cérès les biens de quiconque attenterait à la personne sacro-sainte du tribun de la plèbe. Le temple et son culte paraissent dès l’origine avoir une signification politique: la triade Cérès-Liber-Libera représente les dieux, les droits, le pouvoir de la plèbe en face de la triade capitoline, Jupiter-Junon-Minerve, dieux du patriciat. Cérès deviendrait alors déesse de l’annone, plus liée à la consommation du blé qu’à sa croissance parce que plus liée à la plèbe urbaine que rurale (si tant est qu’il soit licite de faire une telle distinction à haute époque). La symétrie avec le sanctuaire patricien veut qu’on donne deux associés à Cérès: on choisit Liber et Libera, dieux italiques de la végétation, donc très proches d’elle. Ce groupement sert de support à la mythologie hellénisante et facilite l’interprétation par Déméter, Dionysos, Perséphone, qui n’est nullement originelle. Le mythe du rapt de Proserpine par Pluton se superpose au rôle de Cérès auprès des Mânes lors de l’ouverture du mundus ; le 21 décembre, un sacrifice à Hercule et Cérès comporte des éléments grecs; l’association avec Liber senti comme Dionysos explique peut-être l’introduction avant les Cerialia , du 12 au 18 avril, de ludi scenici de Cérès (représentations théâtrales) dont les prêtres et organisateurs sont les édiles de la plèbe; Liber-Dionysos s’introduit aussi dans la célébration des Ambarualia ; avec la fête des moissons coïncide, à la ville, le sacrum anniuersarium Cereris : chasteté et abstinence de pain et de vin, veillée de Cérès, quête et retrouvailles de Proserpine caractérisent cette célébration; les prêtresses grecques assurent le culte concurremment avec le flamine ou les édiles; dans certaines circonstances critiques, des rites extraordinaires, comme le lectisterne de 217 après Trasimène, où elle apparaît en compagnie de Mercure, confirment le caractère de plus en plus hellénique de Cérès. Le rôle politique du culte de Cérès-Liber-Libera rend probable que le sanctuaire ait possédé une sorte de droit d’asile que les prêtres, lorsqu’ils quittaient le temple, transportaient avec eux: les tribuns de la plèbe sont sans doute à l’origine ces prêtres et ils gardent pendant toute la période historique ce privilège d’inviolabilité qui leur permet de prendre quiconque sous leur protection. Il y a sans doute eu dédoublement de fonction entre tribuns et édiles (magistrats romains chargés de l’administration municipale; aedilis , de aedes , temple: ils sont originairement attachés au temple de Cérès). Le même temple, sans doute proche de l’Aventin, bastion traditionnel de la plèbe, après avoir recueilli les archives de la plèbe (textes des plébiscites, lois votées par la plèbe) centralisera dès \CÉRÈS (religion romaine) 449 tous les textes à valeur légale.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем написать реферат

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Religion Romaine — Religion de la Rome antique Pour les articles homonymes, voir Religion romaine (homonymie). La religion romaine est une religion polythéiste presque dépourvue de mythes. Une partie de ces mythes a cependant été transposée et conservée par les… …   Wikipédia en Français

  • Religion romaine — Religion de la Rome antique Pour les articles homonymes, voir Religion romaine (homonymie). La religion romaine est une religion polythéiste presque dépourvue de mythes. Une partie de ces mythes a cependant été transposée et conservée par les… …   Wikipédia en Français

  • Religion romaine antique — Religion de la Rome antique Pour les articles homonymes, voir Religion romaine (homonymie). La religion romaine est une religion polythéiste presque dépourvue de mythes. Une partie de ces mythes a cependant été transposée et conservée par les… …   Wikipédia en Français

  • MERCURE (religion romaine) — MERCURE, religion romaine L’origine de cette divinité est obscure, italique sans doute à en juger par des témoignages épigraphiques osques et ombriens. Le plus probable est qu’il faut rattacher le nom de Mercurius à la racine qui désigne en latin …   Encyclopédie Universelle

  • Relations entre la religion romaine et les autres religions — Religion de la Rome antique Pour les articles homonymes, voir Religion romaine (homonymie). La religion romaine est une religion polythéiste presque dépourvue de mythes. Une partie de ces mythes a cependant été transposée et conservée par les… …   Wikipédia en Français

  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - La religion romaine — On entend par «religion romaine» un ensemble de croyances, de rites et d’institutions qui se forma à l’intérieur du Latium vers le milieu du VIIIe siècle avant J. C. (date traditionnelle de la fondation de Rome) et persista dans le monde romain… …   Encyclopédie Universelle

  • Religion de Rome — Religion de la Rome antique Pour les articles homonymes, voir Religion romaine (homonymie). La religion romaine est une religion polythéiste presque dépourvue de mythes. Une partie de ces mythes a cependant été transposée et conservée par les… …   Wikipédia en Français

  • Religion des Romains — Religion de la Rome antique Pour les articles homonymes, voir Religion romaine (homonymie). La religion romaine est une religion polythéiste presque dépourvue de mythes. Une partie de ces mythes a cependant été transposée et conservée par les… …   Wikipédia en Français

  • Religion de la Rome antique — Pour les articles homonymes, voir Religion romaine (homonymie). La religion de la Rome antique se distingue de beaucoup d autres religions même polythéistes par l absence de mythes[réf. nécessaire]. Certes autrefois les ancêtres des Romains… …   Wikipédia en Français

  • Religion im Römischen Reich — Die Maison Carrée in Nîmes (erbaut Ende des 1. Jahrhunderts v. Chr. oder Anfang des 1. Jahrhunderts n. Chr.) weist die Kennzeichen des römischen „Standardtempels“ auf: Freitreppe, hohes Podium, geräumige Säulenvorhalle. Die Römische Religion,… …   Deutsch Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”